Manières d’être vivant
«La crise écologique actuelle est une crise de nos relations au vivant ».
Baptiste Morizot
Nous vivons une époque de changement climatique anthropique sans précédent. Ce nouveau contexte historique nécessite de nouveaux outils pour réinventer l’avenir. Le « tournant ontologique » dans les sciences sociales (depuis les années 2000) et le développement des neurosciences ont remis en cause la suprématie de l’homme par rapports aux êtres vivants non-humains (animaux, oiseaux, plantes, bactéries…) Une nouvelle approche socioculturelle refuse de les considérer comme des ressources ou des objets à la merci des humains : ils sont considérés comme des sujets à part entière avec leur volonté et point de vue.
Mais qu'est-ce que cela change dans notre vision du monde ?
Pour reprendre les mots du penseur français Baptiste Morisot, à qui nous empruntons le titre de son livre pour nommer le cycle de rencontres, nous avons perdu notre « sensibilité » envers le vivant. Sommes-nous en mesure de surmonter cette crise de la pensée ?
Au cours des rencontres, nous nous tournerons vers la réalité des êtres vivants non-humains et nous essaierons de comprendre ce que c'est que d'être une plante du point de vue des neurosciences modernes ? Nous essayerons d’examiner les récentes crises mondiales, notamment la pandémie de coronavirus avec le cadre épistémologique de la pensée française. Enfin, nous nous tournerons vers les traditions des peuples indigènes et leurs relations avec le vivant pour essayer de regarder notre monde de l'extérieur.
Que signifie être humain dans un monde qui s'étend bien au-delà de l'humain ?
Conception du programme et animation des rencontres : Anna Kirikova
Curatrice:
Anna Kirikova, curatrice d’art indépendante. |
Programme
- 15 juin 2024 - 12.00 en ligne - sur inscription
Le végétal et l'animal. Des manières d'être vivant différentes construites sur des bases communes. Rencontre avec François Bouteau, neurobiologiste.
La classification phylogénétique a mis fin à la distinction ontologique et scientifique entre les animaux et les plantes.Elle remet en question la partition entre ces deux règnes et réfute la thèse aristotélicienne dissociant les humains, les animaux et les plantes. Une réflexion sur le patrimoine biologique commun entre les animaux (humain compris) et les plantes permet de mieux comprendre ce qui relie les vivants. Les données récentes de la « neurobiologie végétale » relancent une réflexion autour de ce qui est partagé entre les animaux et les plantes (sensibilité, capacité d’apprentissage, comportement, agentivité). Dans ce contexte, une vision de l’humain détaché des autres espèces n’est plus tenable. La vie des uns ne peut pas être déconnectée de la vie des autres.
François Bouteau, professeur à l’Université Paris Cité. Anime depuis plusieurs années une équipe qui s’attache à analyser les réponses rapides des cellules végétales à des signaux environnementaux. Confronté à la sensibilité des plantes face à leur environnement François Bouteau s’est associé au Laboratoire International de Neurobiologie Végétale de l’université de Florence (Italie) et à l’université de Kitakyushu (Japon) : ces laboratoires cherchent à savoir si les plantes présentent une certaine agentivité et en quoi cela pourrait influer sur les relations hommes-plantes. Convaincu de l’importance de ces thématiques et de la nécessité d’approches interdisciplinaires dans le cadre des phases de transitions nécessaires à l’évolution de nos sociétés, François Bouteau a rejoint le Laboratoire Interdisciplinaire des Énergies de Demain et ai pris la coresponsabilité du Master 2 Espaces et Milieux-Territoires Ecologiques. |
- 22 juin 2024 - 12.00 en ligne- sur inscription
Politique des zoonoses. Vivre avec les animaux au temps des virus pandémiques. Rencontre avec Fréderic Keck, philosophe.
En reprenant l’ensemble des travaux qui ont porté sur la notion de biopolitique depuis la reprise réflexive de ce terme par Michel Foucault en 1976 à travers un ensemble de notions qui la déclinent (pouvoir disciplinaire, pouvoir pastoral, pouvoir cynégétique), le livre que je vais publier cette année retrace un ensemble de mesures de santé publique prises depuis deux siècles à partir des notions d’épizootie, de zoonose et de pandémie. Il souligne que la nécessité de conserver des souches de virus pour identifier et anticiper leurs mutations a donné lieu à une cryopolitique, c’est-à-dire un ensemble de techniques visant à suspendre le vivant pour différer la mort. Il interroge alors la portée émancipatoire de cette cryopolitique en interrogeant la façon dont elle construit une solidarité interspécifique en permettant aux humains de percevoir les signaux d’alerte que portent les animaux sur les menaces à venir, que ce soit les pandémies, les désastres naturels ou le changement climatique. En brouillant les frontières entre le sauvage et le domestique issues du processus plurimillénaire de domestication, cette politique des zoonoses s’appuie sur des sentinelles qui conservent la mémoire des signes du passé pour préparer les vivants aux menaces futures en les faisant participer à un idéal commun.
Frédéric Keck est directeur de recherche au Laboratoire d’anthropologie sociale (CNRS-Collège de France-EHESS). Après des études de philosophie à l’Ecole Normale Supérieure de Paris et d’anthropologie à l’Université de Berkeley, il a fait des recherches sur l’histoire de l’anthropologie et sur les questions biopolitiques contemporaines posées par la grippe aviaire. Il a reçu la médaille de bronze du CNRS en 2012 et dirigé le département de la recherche du musée du quai Branly entre 2014 et 2018. Il a publié Claude Lévi-Strauss, une introduction (Pocket-La découverte, 2005), Lucien Lévy-Bruhl, entre philosophie et anthropologie (CNRS Editions, 2008), Un monde grippé (Flammarion, 2010), (en co-direction avec N. Vialles) Des hommes malades des animaux (L’Herne, 2012), (en co-direction avec A. Kelly et C. Lynteris) Anthropology of epidemics (Routledge, 2019), Valeurs et matérialités (Presses de l’ENS-musée du quai Branly, 2019), Les sentinelles des pandémies. Chasseurs de virus et observateurs d’oiseaux aux frontières de la Chine (Zones sensibles, 2020), Signaux d’alerte. Contagion virale, justice sociale, crises environnementales (Desclée de Brouwer, 2020), (en co-direction avec A. Morvan) Chauves-souris. Rencontres aux frontières entre les espèces (CNRS Editions, 2021), 2023 Préparer l’imprévisible. Lévy-Bruhl et les sciences de la vigilance, Paris, PUF. |
- 29 juin 2024 - 12.00 en ligne - en ligne
Recomposer le monde des possibles. Rencontre avec Florence Brunois-Pasina, anthropologue.
À partir de son expérience immergée dans la forêt tropicale kasua durant trois ans, Florence Brunois-Pasina expliquera combien cette expérience sensible et incarnée au cosmos forestier lui a permis d’accéder en tant qu’être humaine et occidentale à une manière bien singulière d’être et d’habiter le monde dont les êtres vivants font partie intégrante et participent même à la destinée sociale et politique de la tribu. Partageant la perception de ses hôtes, elle évoquera également leurs manières toutes singulières de se représenter cette forêt complexe qui ne reconnaît pas la figuration picturale figée mais recourt davantage à l’abstraction des lignes et des couleurs comme restituant leurs relations aux autres assimilés à des affordances.
Contemporaine, cette cosmopolitique sensible et relationnelle que l’on pourrait qualifiée d’interspécifique ouvre aux modernes des possibles terrestres à inventer.
Florence Brunois-Pasina est Directrice de recherche au CNRS, co-directrice du Laboratoire d’Anthropologie Sociale rattaché au Collège de France. Depuis 1994, elle mène des recherches sur la cosmopolitique forestière chez les Kasua de Nouvelle Guinée. Elle enseigne à l’École des Hautes Études en Sciences Sociales où elle dirige deux séminaires : Anthropologie des savoir-vivre ensemble écologiques et cosmopolitiques des attachements. Elle dirige également trois stages de Master : en ethnobotanique à Salagon, en ethnographie de terrain à Vézelay et sur l’ensauvagement dans le Vercors. Elle est également active dans la vie citoyenne en étant présidente de deux associations axées sur les sciences humaines, écologiques et les arts et vient d’officialiser avec son époux, artiste plasticien, un lieu pluridisciplinaire d’arts, d’imaginaires et de sciences : la Casa Pasina!
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